Une mission d’information vient d’être lancée afin d’examiner les conditions dans lesquelles s’exercent les poursuites pénales pour fraude fiscale. Le monopole attribué à Bercy en la matière est de plus en plus critiqué.
Lors des débats sur le projet de loi pour rétablir la confiance dans l’action publique en juillet dernier, un certain nombre de parlementaires ont appelé sans succès à une levée partielle du verrou de Bercy. Cependant, une mission d’information sur les procédures de poursuites des infractions fiscales vient d’être lancée afin de réfléchir à l’opportunité de maintenir ce mécanisme ou de l’adapter. Avec Eric Diard (LR) comme président et Emilie Cariou comme rapporteuse, le groupe de travail devrait rendre ses conclusions en avril.
Un mécanisme de filtre
A la différence des autres délits, le délit de fraude fiscale n’est pas poursuivi d’office par le procureur de la République. Ce dernier ne peut mettre en mouvement l’action publique uniquement dans la mesure où l’administration fiscale a préalablement déposé une plainte. Cette prérogative est justifiée par la nature particulière du délit de fraude fiscale. L’administration fiscale reste ainsi juge de l’opportunité des poursuites, sous le contrôle de la Commission des infractions fiscale (CIF). En effet, à l’exception d’infractions spécifiques, comme le blanchiment de fraude fiscale, un avis favorable de la CIF est nécessaire pour déposer plainte.
L’activité de la CIF
La CIF, qui connu deux réformes successives en 2009 et 2013, se prononce exclusivement sur l’opportunité des poursuites pénales. En 2016, la CIF a examiné 1063 dossiers propositions de poursuites correctionnelles pour fraude fiscale (1). Le taux de rejet des dossiers transmis est de 6,2%, un chiffre supérieur aux années précédentes. La moyenne des droits fraudés est de 350 494 euros par dossier. Une grande majorité de ces dossiers (77%) porte sur une fraude à la TVA généralement associée avec une fraude à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu. La CIF entend cibler les dossiers à forts enjeux et les cas de fraudes fiscales particulièrement graves.
De nombreuses critiques
Ce monopole attribué à l’administration fiscale pour engager des poursuites pour fraude fiscale subit de nombreuses attaques depuis plusieurs années. La Cour des comptes en critique ainsi l’efficacité, préconisant que les parquets puissent avoir la capacité de poursuivre, sans dépôt de plainte préalable par l’administration fiscale, certaines fraudes complexes afin de traiter un plus grand nombre de dossiers, intervenir plus rapidement et mieux assurer le recouvrement des sommes dues (2). Cependant le Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé sur la légalité de ce verrou dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité, a considéré que ce mécanisme compatible avec les principes d’indépendance de l’autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs.
(1) Rapport d’activité 2016 de la CIF