Un couple qui a vendu sa résidence secondaire à sa SCI familiale, tout en l’occupant contre le versement d’un loyer, dans le seul objectif de prendre en compte les déficits fonciers, s’est fait redressé sur le terrain de l’abus de droit.
On ne fait pas n’importe quoi avec sa société civile immobilière (SCI) et ses biens immobiliers sous peine de tomber sous le coup de l’abus de droit. Tel est l’enseignement d’un récent arrêt du Conseil d’Etat (CE 8 février 2019, n° 407641).
Déduction des charges de sa résidence
Deux conjoints détenaient chacun 54 des 120 parts d’une SCI constituée en juin 1989, les douze parts restantes étant détenues par leurs deux enfants. La SCI exerçait une activité d’exploitation d’un patrimoine immobilier à usage d’habitation ou de bureaux. L’un des époux, par ailleurs propriétaire d’une maison à Biarritz, l’avait cédée à la SCI en 1992, pour en faire la résidence secondaire de la famille.
La SCI l’avait donnée en location au couple contre le versement mensuel d’un loyer. Le couple avait déduit de son revenu global les déficits fonciers provenant des travaux effectués par la SCI sur la maison après la vente et financés par d’un des apports personnels de l’époux depuis son compte courant d’associé.
Suite à un contrôle de la comptabilité de la SCI, l’administration fiscale avait remis en cause au titre des années 2005 et 2006 l’imputation des déficits fonciers sur le revenu global des associés, procédant des travaux d’entretien et d’amélioration effectués par la SCI dans maison de Biarritz, par l’effet des dispositions de l’article 8 du Code général des impôts (CGI).
Abus de droit
L’administration avait considéré que la vente de la maison et sa mise en location au profit du couple caractérisaient un abus de droit par fraude à la loi, car ce montage était destiné à faire échec à l’application des dispositions du II de l’article 15 du CGI.
Ce texte prévoit que « les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu » ; corrélativement il s’en déduit que les travaux effectués sur le bien ne sont pas déductibles de ses revenus fonciers.
L’administration avait refusé la déduction des charges, estimant que la vente de la maison et la prise de location auprès de la SCI de cette maison étaient inspirées par aucun autre motif que celui d’atténuer les charges fiscales que les époux auraient normalement dû supporter en vertu de l’article 15 du CGI.
Loyer contrôlé par les associés
Devant le Conseil d’État, le pourvoi des époux a été rejeté. Les juges ont considéré qu’ils avaient créé les conditions leur permettant d’échapper à l’application de l’article 15 du CGI.
Dans cette affaire, le loyer versé par les associés, même réévalué à un moment, était en dessous des prix du marché. Il correspondait aux échéances de remboursement de l’emprunt contracté pour l’acquisition de la maison. Pour le Conseil d’État, cette sous-estimation des revenus fonciers avait effectivement permis, avec la déduction de travaux, la création d’un déficit foncier que le fisc n’a pas admis.