Un stock de contrats d’épargne retraite de 13 milliards d’euros ne serait pas remis à leurs bénéficiaires. Des mesures devraient être prises pour limiter la déshérence de ces contrats de retraite par capitalisation dont leurs souscripteurs ignorent souvent jusqu’à l’existence.
Ils représenteraient 13 milliards d’euros. Ces contrats d’épargne retraite dits en déshérence, c’est-à-dire non liquidés, restent dans les caisses des assureurs, faute pour ces derniers, de pouvoir identifier les bénéficiaires.
Une utilisation croissante
Une part croissante des Français ont recours aux produits d’épargne retraite. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), ils étaient 13,1 millions (Drees, Les retraités et les retraites, édition 2019) en 2017, avec une rente annuelle moyenne de 2 340 euros (195 euros par mois). Au total, les contrats de retraite supplémentaire représentent 228,9 milliards d’euros d’encours, et pour une grande majorité, il s’agit de produits d’épargne collectifs à destination des salariés. Selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la déshérence porterait sur 13 milliards d’euros.
Paysage peu lisible
Jusqu’à la loi Pacte du 22 mai 2019, les contrats d’épargne retraite s’inscrivaient dans un paysage peu lisible : Madelin, Perco, Perp, article 82, article 83… Leur diversité, et leur complexité ont pu faire perdre aux souscripteurs la visibilité sur leur produit. Ne disposant pas d’une information accessible et régulière sur leurs droits acquis, les assurés finissent par oublier l’épargne qu’ils ont pu constituer. « Il apparaît donc indispensable d’agir afin que la confiance des épargnants envers ces produits soit maintenue, en garantissant leur capacité à liquider leur rente ou leur capital », estime la députée Sophie Auconie, auteur d’une proposition de loi relative à la déshérence des retraites supplémentaires. L’an dernier, la loi Pacte a remanié l’offre de produits, avec la création des plans d’épargne retraite (PER), qui remplacent les anciens produits. Intégralement portables et transférables tout au long de la vie, les PER devraient être moins exposés à la déshérence.
Information incomplète
De leur côté, les assureurs ne disposent pas d’information fiable pour retrouver les titulaires de contrats de retraite ; ils ne peuvent pas toujours compter sur les entreprises souscriptrices qui peuvent avoir disparu ou ne pas avoir communiqué d’information sur les salariés assurés. Selon l’ACPR, le nombre de courriers postaux non distribués atteindrait 75 % pour les personnes concernées âgées de plus de 70 ans.
Il faut dire que la règlementation actuelle s’avère inadaptée aux particularités des contrats d’épargne retraite. Dans ce contexte, une proposition de loi a été débattue à l’Assemblée nationale le 30 janvier dernier, mais rejetée. Pour améliorer les capacités de recherche des organismes d’assurance pour retrouver les bénéficiaires des comptes, la proposition de loi proposait, parmi d’autres mesures, de permettre aux assureurs d’interroger les fichiers fiscaux et ceux des caisses de retraite.
Les pistes du gouvernement
Opposée au texte, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances préférait attendre un consensus du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). C’est chose faite. Le 3 février, le CCSF a publié une recommandation concernant les contrats de retraite supplémentaire en déshérence. S’il a écarté la possibilité de donner un accès aux fichiers fiscaux pour des individus vivants, en raison de la protection des données personnelles et du droit à l’oubli, le comité propose de mettre au centre du dispositif un tiers de confiance public, le GIP Union Retraite, qui ferait le lien entre les organismes d’assurance ou gestionnaires et les bénéficiaires des contrats et sur un élargissement des obligations d’information aux entreprises dans le cadre des contrats collectifs. Via le site info-retraite.fr, toute personne pourrait connaître, en temps réel, l’ensemble des droits dont ils pourraient bénéficier en matière de retraite, qu’il s’agisse de sa retraite de base, sa retraite complémentaire et de son éventuelle retraite supplémentaire (contrats d’assurance, épargne salariale retraite ou plans d’épargne).
Enfin, l’information du bénéficiaire pourrait également être assurée par l’entreprise dans le cadre de laquelle le contrat a été souscrit. Dans le solde de tout compte du salarié, seraient mentionnées des informations relatives à cette retraite supplémentaire, pour rappeler au bénéficiaire l’existence de son contrat et lui rappeler sa possibilité de transférer son épargne retraite d’un contrat collectif vers un contrat d’épargne retraite individuel.