Si vous souhaitez vous délester de quelques bons crus de votre cave personnelle, assurez-vous de ne pas tomber dans le cadre d’une activité commerciale. Les conséquences fiscales sont en effet très lourdes lorsque les ventes sortent du cadre normal de la gestion de patrimoine.
Vous pensez pouvoir tirer un bon parti de cette caisse de Bourgogne qui vieillit dans votre cave pour vous offrir plusieurs bouteilles d’exception ? Vous avez besoin de liquidités et envisagez de vous séparer de ce champagne rosé dont vous raffolez ? Votre goût s’est affiné et vous voulez arbitrer dans votre cave personnelle ? Avant de vous lancer dans une opération d’envergure, assurez-vous de ses conséquences fiscales.
L’enjeu fiscal
Si elle a connaissance des ventes, l’administration fiscale va examiner les circonstances qui les entourent. Plusieurs critères entrent en jeu : nombre et fréquence des ventes, provenance des biens vendus, délai entre l’achat et la revente, proportion des gains par rapport aux revenus ordinaires, etc… Selon ces critères, elle pourra considérer que ces ventes sont des opérations commerciales et en titrer les lourdes conséquences fiscales correspondantes. Une récente affaire judiciaire illustre ce qu’il ne faut pas faire en la matière (CAA Douai, 2 avr. 2020, n°17DA02225).
300 bouteilles vendues en 3 ans
Entre 2010 et 2012, Monsieur. A., docker salarié de profession, a vendu plus de 300 bouteilles de grands crus de sa cave personnelle, pour un total de 186.170 €. Les sommes ont été versées sur son compte bancaire et n’ont pas été déclarées aux impôts. Au cours d’un contrôle, l’administration fiscale a considéré qu’il s’était livré à une activité de négoce de vins, et a déclenché une vérification de comptabilité pour les années 2004 à 2012. Monsieur A a écopé de cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des rappels de TVA, des intérêts de retard et la majoration de 80% pour activité occulte, pour les années 2010 à 2012.
Gestion normale du patrimoine ou activité commerciale ?
Le vinophile soutient que ces opérations s’inscrivent dans le cadre de la gestion normale de son patrimoine. Il avance que les bouteilles ont été acquises sans but lucratif, essentiellement auprès d’un particulier et que l’activité n’avait donc pas de caractère habituel et spéculatif.
Sur le plan fiscal, il plaide pour la taxation de ses gains au régime des plus-values de cession de biens meubles. Après abattement de 5% par année de détention à compter de la 3e, la plus-value nette est taxée à 19%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux à 17,2%.
De son côté, le juge a suivi le raisonnement de l’administration fiscale, qualifiant les ventes d’activité commerciale. La Cour administrative d’appel de Douai relève que M. A. n’apporte pas la preuve les modalités d’entrée en sa possession telles qu’il les allègue, ni sa pratique de collectionneur ou même au réemploi allégué des revenus de leur vente dans un projet immobilier personnel. En revanche, elle relève le nombre élevé de ventes, leur fréquence sur 3 ans, et leur montant qui représente plus du double des revenus retirés de l’activité salariée du vendeur. Les juges en concluent que M. A s’est livré, habituellement et pour son propre compte, à une activité d’achat de vins en vue de leur revente, sans qu’il soit besoin de rechercher s’il a eu recours à des moyens commerciaux analogues à ceux qui caractérisent une activité exercée par un professionnel.
Fiscalement, les revenus sont donc taxés dans la catégorie des BIC, avec une majoration de 80% pour activité occulte, sont soumis à la TVA, et pourraient également faire l’objet d’un redressement sur le plan des cotisations sociales. Mieux vaut donc vous entourer de conseils avant de vendre vos bonnes bouteilles !