L’administration fiscale n’est pas liée par la qualification que des contribuables donnent à une opération patrimoniale. Ainsi elle peut requalifier un prêt en donation déguisée en vertu de la procédure de l’abus de droit et en tirer toutes les conséquences fiscales.
Prêter de l’argent aux membres de sa famille, qui plus est à ses héritiers, n’est pas sans risque. Le prêt peut être considéré comme une donation déguisée par l’administration fiscale.
Un prêt doit être remboursé
Un prêt opère le transfert de la possession, temporaire, d’argent ou d’un bien. Il a vocation à être remboursé. Au contraire, une donations entraine la dépossession du donateur de façon définitive, et pour le donataire un enrichissement immédiat. Cette distinction juridique entraine des conséquences fiscales. Contrairement au prêt, la donation est soumise aux droits de donation. Et comme elle opère un transfert de propriété, elle réduit le patrimoine taxable à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) du donateur et augmente celui du donataire. Si la distinction paraît facile à établir, elle n’est parfois rendue possible qu’au regard des conditions de remboursement et de son exécution.
L’enjeu de l’ISF
Avec la procédure de l’abus de droit, l’administration dispose du pouvoir de requalifier une opération et de lui apporter le traitement fiscal adéquate, indépendamment de la qualification que lui ont donnée les contribuables. Ainsi, elle est attentive aux opérations qui peuvent dissimuler des donations.
Entre 1989 et 2003, une mère âgée avait consenti à son fils six prêts non rémunérés et sans garantie. Aucun remboursement n’avait été effectué. Considérant qu’il s’agissait de dettes, le fils emprunteur avait porté ces sommes au passif de son patrimoine dans ses déclarations ISF. Pour l’administration fiscale, l’absence de remboursement permettait de croire en des donations déguisées. Dès lors, ses sommes lui appartenaient et ne pouvaient être déduites du patrimoine taxable à l’ISF. Les services fiscaux avaient donc procédé à une rectification de son ISF sur 6 ans et appliqué une pénalité de 80 %.
Des indices concordants
La Cour de cassation a donné raison à l’administration fiscale. Elle a rappelé que le fait qu’un acte ne soit pas interdit par la loi ne suffit pas à empêcher que cet acte soit fictif et serve à en dissimuler un autre. Or de nombreux éléments plaidaient en faveur de l’intention de donner du « prêteur » : lien de parenté entre les parties (mère et fils), l’âge du prêteur (99 ans lors du dernier prêt), l’absence d’intérêt, le nombre de prêts et de l’absence de tout remboursement. Ce « faisceau d’indices concordants » « rendait aléatoire l’obligation de remboursement ». En conséquence, les actes en cause constituaient des donations et non des prêts.