Sécuriser son entreprise, préserver l’avenir de ses salariés tout en soutenant une cause d’intérêt général : c’est toute l’ambition de la fondation actionnaire.
L’entrepreneur qui prépare sa succession peut souhaiter tout à la fois pérenniser l’avenir de son entreprise et donner du sens à son investissement professionnel. En créant une fondation actionnaire, il a l’assurance de protéger le capital de sa société tout en assurant la continuité de l’entreprise au-delà de son fondateur. La fondation actionnaire protège le capital de l’entreprise qu’elle détient, puisque celui-ci lui a été transmis de façon irrévocable et inaliénable, une bonne façon de la protéger des OPA hostiles.
Une nouvelle forme de fondation
La fondation actionnaire est née en 2005 dans le cadre du vote de la loi Dutreil, à la faveur d’un amendement déposé pour permettre d’éviter la dislocation de petites entreprises lors des successions et de réconcilier utilité publique et choix entrepreneurial. Ce dispositif législatif a permis à l’entrepreneur Pierre Fabre de réaliser son projet philanthropique et à la première fondation actionnaire, dédiée à l’amélioration de la qualité des médicaments et des soins dispensés dans les pays les moins avancés de voir le jour.
L’exemple de l’entreprise Pierre Fabre
Très marqué par un séjour en Afrique, Pierre Fabre a souhaité que son entreprise – Les Laboratoires Pierre Fabre – adopte une démarche citoyenne. Après avoir créé une fondation d’utilité publique, dotée d’un capital et de 5% des actions du groupe, il imagine son projet une entreprise détenue par ses salariés et par une Fondation dans des proportions qui la mettent à l’abri des surprises spéculatives. Un plan volontariste d’actionnariat-salarié lancé en 2005 permet à la très grande majorité des collaborateurs de devenir actionnaires. En 2008, il fait don du capital de l’entreprise à la Fondation Pierre Fabre. A sa mort, en l’absence d’héritiers directs, il lègue les dernières actions qu’il avait conservées à la Fondation.
Un modèle très usité en Europe du nord
En Europe, les fondations jouent un rôle économique important car elles sont nombreuses à détenir des entreprises. Les fondations allemandes détiennent par exemple 100 Md€ d’actifs et les britanniques 70 Md€, contre 22 Md€ seulement pour les fondations françaises. Plusieurs pays permettent aux fondations d’avoir un objet commercial, si bien qu’elles y sont utilisées comme outil de détention et de protection d’entreprises : 54% de la capitalisation boursière danoise est ainsi détenue par des fondations. De très grands groupes comme Carlsberg, Rolex ou encore Lego sont détenus par de telles fondations.
Un cadre français à assouplir
Rien de tel en France où le modèle de la fondation actionnaire peine à séduire. Un rapport de l’Inspection Générale des Finances sur le rôle économique des fondations publié en avril 2017 souligne que les fondations actionnaires majoritaires constituent un outil de politique industrielle. En protégeant des entreprises contre des délocalisations ou des restructurations, et en encourageant l’investissement, elles permettront de lutter contre certaines faiblesses de notre économie.
L’intérêt d’entrepreneurs pour ce modèle invite à en faciliter le développement, d’autant qu’un tel élargissement de l’offre juridique aura très probablement pour effet de stimuler la demande, concluent les rapporteurs. Sans modifier les contours de la notion d’intérêt général, la détention de participations majoritaires dans des entreprises par des fondations peut être encouragée en précisant les statuts des Fondations reconnues d’utilité publique (Frup) et en amendant ceux des fondations d’entreprises et fonds de dotation, tout en révisant les règles relatives à la réserve héréditaire. La structure financière des fondations peut être renforcée, notamment en élargissant leurs canaux de financement. Enfin, le cadre juridique des fondations peut être simplifié, et le contrôle de l’État peut être rendu plus efficace.