Parce que l’analyse et le savoir-faire permettent au joueur de poker de limiter l’aléa de leur main, le poker n’est pas considéré comme un jeu de pur hasard. Dès lors, les revenus significatifs tirés de ce jeu et issus d’une pratique habituelle peuvent être considérés come une source de profits taxables, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Les joueurs de poker aguerris doivent composer avec les précisions fiscales apportées sur la taxation de leurs gains. Le Conseil d’Etat vient en effet d’apporter d’importantes précisions sur l’imposition à l’impôt sur le revenu des gains des joueurs de poker, par opposition aux gains des jeux de hasard.
L’aléa, élément déterminant
La pratique de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens l’article 92 du Code général des impôts (CGI). Ce texte considère « comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux (…) toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
La raison pour écarter cette imposition : l’existence de l’aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur. La solution est la même si la pratique est habituelle. En revanche, la solution est différente lorsque le jeu, pratiqué habituellement, oppose un joueur à des adversaires.
Si le savoir-faire du joueur lui permet de maîtriser de façon significative l’aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu’il développe, et lui procure des revenus significatifs, les gains qui en résultent sont alors imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Telles sont les précisions apportées par le Conseil d’Etat le 21 juin 2018 (n° 412124, 10ème et 9ème chambres réunies).
Jeu de pur hasard ?
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt, le contribuable, l’un des meilleurs joueurs de poker français, avait abandonné son emploi d’ingénieur en 2010, pour se consacrer à sa passion. Au cours des 24 compétitions jouées en 2010, il avait gagné 169.000 euros de gains, une somme supérieure à ses autres revenus au titre de cette même année.
A l’issue d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale avait considéré que ces gains relevaient de la catégorie « fourre-tout » de l’article 92 du CGI, assimilés à des bénéfices non commerciaux. Elle s’appuyait sur une réponse ministérielle (Rép. Min n°110952, JOAN du 15 novembre 2011, p. 12011) selon laquelle : « sont imposables au titre de la catégorie des bénéfices non commerciaux, les gains réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant de supprimer ou d’atténuer fortement l’aléa normalement inhérent aux jeux de hasard. Cette position est pleinement applicable à la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dès lors que le jeu de poker ne peut être regardé comme un jeu de pur hasard et sous réserve qu’il soit exercé dans des conditions assimilables à une activité professionnelle ».
Pour sa défense, le contribuable soutenait que le poker constituait un jeu de hasard, reposant sur l’existence d’un aléa, les joueurs ne pouvant pas connaître à l’avance leur main, laquelle est tirée au sort, par le croupier ou par l’ordinateur.
Il s’appuyait aussi sur un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière de réglementation de maisons de jeu et sur un texte du Code général des impôts relatif à l’impôt sur les spectacles, les jeux et les divertissements, qui classaient le poker parmi les jeux de hasard.
La place de l’expérience et de l’analyse
Ce raisonnement a été écarté par la cour d’appel, suivie par le Conseil d’Etat. La cour a considéré que dans la version Texas Hold’em Poker, « un joueur peut parvenir, grâce à l’expérience, la compétence et l’analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants ».
Cela ne signifie pas pour autant que tous les gains de poker sont considérés comme une source de profit taxable au rang des bénéfices non commerciaux. Ils le sont lorsqu’ils constituent des revenus significatifs, issus d’une pratique habituelle et que le joueur a développé un savoir-faire lui permettant de maîtriser l’aléa.