À quel moment et à quelles conditions le souscripteur peut-il modifier la clause bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie ? Quelles sont les formalités à respecter ?
Lorsqu’il ouvre un contrat d’assurance-vie, le souscripteur choisit la ou les personnes qui recevront les capitaux lors du dénouement du contrat. Ces bénéficiaires sont désignés par écrit, dans une clause dite «clause bénéficiaire». Et si pour une raison ou une autre, le souscripteur voulait en changer, comment procéder ? La Cour de cassation vient d’apporter une précision utile sur le formalisme à respecter.
Liberté de modifier
La liberté du souscripteur de modifier sa clause bénéficiaire dépend de son éventuelle acceptation par le bénéficiaire. Le souscripteur est d’ailleurs complètement libre de soumettre ou non le contrat à l’acceptation du bénéficiaire.
Tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée, le souscripteur peut modifier la clause autant qu’il le souhaite, sans avoir à en informer le bénéficiaire.
Si, en revanche, le bénéficiaire a accepté la clause alors le souscripteur ne peut la modifier sans obtenir son accord. L’acceptation du bénéficiaire a pour effet de bloquer le contrat au profit du bénéficiaire. Le souscripteur ne peut plus procéder à des rachats, ni à des avances sur son contrat.
Le contrat devient irrévocable si l’acceptation a été faite selon l’une des deux procédures suivantes : par la signature d’un avenant réunissant assureur, bénéficiaire et souscripteur ou par la signature par le souscripteur et le bénéficiaire d’un acte authentique ou sous seing privé, notifiée par écrit à l’assureur.
Quelle forme ?
La désignation du bénéficiaire peut se faire soit par voie conventionnelle au moment de la souscription du contrat, soit par testament. Quid de la modification ? Doit-elle respecter la forme de la désignation initiale ? La question vient d’être soumise à la Cour de cassation et la réponse est claire : le souscripteur qui souhaite modifier la clause bénéficiaire de son contrat n’est pas lié par la forme de la désignation initiale (Cass. civ.1ère, 3 avril 2019, n°18-14.640).
Dans l’affaire soumise aux juges, un père de famille avait souscrit deux contrats d’assurance-vie. Il en avait désigné les bénéficiaires dans un second temps, dans un testament authentique, c’est-à-dire rédigé par un notaire en présence de deux témoins ou d’un autre notaire. Son époux était bénéficiaire en usufruit, et ses enfants en nue-propriété. Quelques années plus tard, il modifie la clause bénéficiaire de ses deux contrats par un avenant. Il désigne son épouse et, à défaut, trois de ses cinq enfants.
À son décès, les assureurs versent les capitaux à son épouse toujours vivante, conformément aux termes de la clause bénéficiaire modifiée. Une des filles du défunt conteste la validité des modifications des clauses bénéficiaires. Elle assigne sa mère, ses sœurs et les assureurs pour obtenir la part des capitaux décès qui lui serait revenue en application des dispositions testamentaires.
Devant les juges, elle fait valoir que son père aurait du modifier la clause bénéficiaire par testament. Elle s’appuie sur l’article 1035 du Code civil selon lequel, « les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté ». La cour d’appel de Bordeaux lui donne tort, et la Cour de cassation également.
Pas de parallélisme des formes
Les juges rappellent les contours du droit du souscripteur à modifier son contrat. Selon l’article L 132-8 du Code des assurances, le souscripteur peut à tout moment modifier sa clause bénéficiaire tant que le bénéficiaire n’a pas accepté le contrat.
Ils constatent ensuite que le souscripteur avait manifesté sa volonté certaine et non équivoque de modifier la désignation testamentaire initiale par des avenants au profit de son épouse. Ils en concluent que les avenants modificatifs étaient valables « sans qu’il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification ».
La clause bénéficiaire initialement rédigée par acte authentique peut donc être modifiée par acte sous-seing privé.